Ce livre s’adresse aux personnes qui désirent lire les Évangiles : dans l’intelligence de la foi qui cherche à se comprendre, dans la patience de l’espérance qui fait marcher, dans les transformations d’abord intérieures que l’amour appelle et produit. Or, ces conditions ne sont pas suffisamment prises au sérieux ni toujours assumées comme il se doit, spécialement dans le travail de la lecture et de la lecture des textes bibliques. La lecture n’exige-t-elle pas de délaisser les évidences ou les certitudes acquises pour entrer dans l’étonnement de la rencontre des textes — La lecture ne requière-t-elle pas de marcher tout simplement au beau milieu des textes, d’aimer marcher et de marcher aimant — La lecture d’un texte ne conduit-elle pas à faire la vérité sur soi et sur le monde, dans une démarche où il faut jusqu’à perdre sa vie et son « identité » pour se trouver “Lire est, à chacun, donné. La lecture peut devenir une rencontre et une rencontre qui ne se tarit point lorsqu’il s’agit effectivement de re-cueillir la Parole, encore et toujours. De l’accueil de la Parole jusqu’aux fruits de cette Parole, il y a l’acte de lire, qui donne de recommencer sans cesse par le commencement. C’est à cette découverte «de recommencements en recommencements » (Grégoire de Nysse) que convie ce livre. Encore faut-il s’entendre sur la nature de cet acte qu’est la lecture. Dans la perspective de cet ouvrage, on est loin de se représenter la lecture comme une capacité à parcourir des yeux des mots sur un morceau de papier ou n’importe quel autre support matériel. Qu’est-ce que lire, plus profondément — À quoi touche ce geste — De quoi retourne-t-il — Nous dirons, tout simplement, que la lecture est une pratique signifiante ; elle est, fondamentalement, une mise en œuvre de la spiritualité parce que l’une et l’autre se constituent ensemble. Comme la spiritualité, la lecture est une pratique signifiante. L’une et l’autre nourrissent, orientent, construisent des manières d’être-au-monde. L’une et l’autre sont irréductibles à un (enjeu de) savoir ; leur raison d’être ne se limite pas à servir à l’édification d’un ordre du savoir sur le monde (intérieur ou extérieur), pour ériger ensuite des règles de l’agir et du vivre ensemble. Avertis de la facilité avec laquelle on impose trop souvent son savoir aux autres et aux textes, nous cherchons, par cet ouvrage, à conscientiser davantage à ce problème. Nous souhaitons, plus exactement, aider à réhabiliter chacun dans sa compétence à lire, l’acte de lecture étant à concevoir et à éprouver comme geste spirituel. Dans ces conditions, nos connaissances, quelles qu’elles soient, cessent enfin de retarder la rencontre qui peut seule nous guérir. Mieux encore, elles ne sauraient plus l’empêcher ni malencontreusement y suppléer.